vendredi 4 mars 2022

Note au lecteur: ce texte a été rédigé avant "Michel & Tom Tirabosco: Dessine-moi un concert." Il en éclaire certains aspects.

 

LES GRANDES ETAPES DE LA VIE


Entre la naissance et 18-20 ans en gros, nous subissons le phénomène du développement physique et intellectuel accéléré. Nous emmagasinons toutes les connaissances de base, à travers l’éducation, les écoles, l’université, les apprentissages… Nous sommes aussi en général matériellement passifs : nous vivons sous la protection et la dépendance de notre famille.

Puis  le processus de croissance s’interrompt.
Nous sommes à ce stade au maximum de nos capacités sexuelles, physiques et intellectuelles.
Nous faisons nos premières expériences sentimentales et émotionnelles intenses à partir de 13-14 ans, et elles vont ensuite se poursuivre jusqu’à un point de saturation et finalement de lassitude, et la place qu'elles occupent dans nos existences se réduit.
J'en conclus que la maturation se fait à travers la capacité de l’adulte à graduellement mieux maitriser ses émotions, et aussi à en relativiser leur importance par leurs répétitions.
Il en va de même pour les élans amoureux que pour la détresse face à la perte d’êtres chers : avec le temps et la répétition de ces expériences, on s’y fait, on accepte et dans certains cas au moins, on apprend à en voir les bons côtés.

Deux exemples frappants pour moi : vers 30 ans, ma grand-mère maternelle, Helen de Lustrac, alors très âgée, est décédée.
A cette occasion, j’ai réfléchi pour la première fois à l’impact de la disparition d’un être plus ou moins proche sur son entourage.
J’ai très vite pensé que sa disparition allait générer une nouvelle réalité, une réalité sans Helen de Lustrac.
Il était tout-à-fait probable que celle-ci en serait enrichie.

Et, effectivement, dans les mois qui ont suivi, certaines choses ont changé dans la famille.

La maison où elle nous accueillait au Pays Basque est passée sous le contrôle globalement bienveillant de son fils, mon Oncle Arnaud. La qualité des repas a certes baissé, mais sous l’impulsion d’une cousine, nous avons commencé à manger midi et soir sur une terrasse plutôt que dans la salle à manger, l’intendance s’est organisée différemment, nous avons les uns et les autres pris un petit peu plus de responsabilités dans le fonctionnement de la maisonnée. Pas beaucoup, mais… les choses ont changé.

Quelques mois après le décès de ma grand-mère est survenu un drame qui allait m’affecter beaucoup plus profondément et durablement.
Une femme que j’avais beaucoup aimée, Anita, a eu un accident qui lui a laissé des séquelles au cerveau et l'a rendue totalement aveugle.
Elle n’était déjà plus à cette époque « mon Anita », elle en avait même épousé un autre. Mais cet évènement m’a profondément et durablement bouleversé.
J’étais inconsolable.

Elle n’était pas décédée, et elle s’est à la longue plutôt bien adaptée à ses handicaps, mais ce n’était plus vraiment celle que j’avais connue et aimée auparavant.
J’ai eu beaucoup de mal à appliquer ma philosophie de la Nouvelle Réalité sur ce drame, mais celle-ci s'est graduellement imposée, forgeant l'individu que je suis à présent.
J'ai par exemple décidé que plus jamais je ne succomberai aussi absolument à un sentiment amoureux, car perdre l’être aimé était vraiment trop douloureux.
J'ai donc moins aimé.

Et puis, le temps a passé, j’ai aussi vieilli, mes hormones me stimulant moins.
Le spectre de la demi-perte d’Anita ne m’a pas quitté.
J’ai recommencé à la fréquenter, mais comme ami et soutien plutôt que comme amant.
Cette situation a aussi, je pense, compliqué mon deuil sentimental.
J’ai surtout vieilli.

Par la suite, j’ai eu plusieurs autres « conquêtes », mais jamais pleinement satisfaisantes, jamais à la hauteur de mes attentes.
Et à chaque nouvelle fois, je me décourageais un peu plus, jusqu’à ce que je décide « plus jamais ».
J’ai maintenant 62 ans, je n’ai plus eu d’autres histoires intimes depuis plus de 17 ans, pas eu d’enfants, jamais été marié.
Ces éléments font qui je suis aujourd’hui, plutôt que la personne que j’ai fantasmée être quand j’avais 15 ans.
Je revisite souvent cet ado avec beaucoup de nostalgie, mais ce n’est que de la nostalgie. Une petite larme, un accès de chaleur, et puis je reviens à la réalité.
Une réalité en demi-teinte aussi parce que je n’ai clairement plus les mêmes capacités intellectuelles ou physiques que lorsque j’avais 25-30 ans.
Je fatigue dès que je dois faire des opérations mathématiques un peu complexes, prévoir des programmes à plusieurs composantes, faire plus que deux ou trois choses importantes dans la journée et je ne sors presque plus le soir.

Si j’ai un message à donner aux plus jeunes générations, il est très clair : vous avez toutes vos capacités : 2 bras, 2 jambes, tous vos sens, un cerveau qui carbure, profitez-en et exploitez-les au maximum. Entretenez-les aussi avec une bonne hygiène de vie.
Et si vous avez moins de 30 ans, hâtez-vous ! La vie n’attend pas. Vous allez certainement ressentir bientôt les premières caresses de la Nuit, et vous aurez beau faire du jogging, des exercices intellectuels, vous ménager ou prendre du Viagra, vous ne pourrez rien empêcher.

La Nuit tombe vite.




En Septembre 2015, je découvre la peinture acrylique. Celle-ci date de Janvier 2016.

jeudi 3 mars 2022

Michel & Tom Tirabosco: Dessine-moi un concert.


Pour la 1ère fois depuis des mois… depuis plus de deux ans, je suis allé au spectacle !

Ma première motivation était de voir Michel Tirabosco jouer de la flûte  avec son frère Tom au dessin sur scène, encore plus motivé par la proximité de l’évènement : la Salle des Fêtes de Thônex. Une demi-heure à peine à pied de chez moi, un peu moins si je parvenais à prendre le bus 34, de passage toutes les 30 minutes.
Mais juste avant de partir, catastrophe ! Ce n’est pas à Thônex que ça se passe, mais à Onex, à l’autre bout du canton !!!
C’est juste trop tard pour le bus, j’appelle donc un taxi, et j’y devrais y être avec au moins 15 mn d’avance.
Seulement, le taxi n’arrive pas, où à une heure où j’aurai presque forcément du retard.
Mais, miracle, j’y arrive, même si je suis mal placé. Je suis assis tout derrière, et avec ma myopie, je me fatigue vite à essayer de déchiffrer les dessins. Mais j’y arrive.

C’était objectivement très très bien : Michel, accompagné d’un sextet, joue divinement, ses musiciens aussi assurent à merveille et les dessins de Tom qui apparaissent graduellement sur un écran pendant les morceaux, c’est magique.

Mais voilà, entre ma fatigue légendaire à assister à des spectacles (j’avais tellement oublié), le son un peu trop fort à mon goût et les maudits applaudissements, je suis assez rapidement passé en mode critique.
Premier morceau : « The Piano » de Michael Nyman (non crédité) et après coup, Michel l’annonce comme « La Pianiste » ! Mais non, bordel ! :D (En français, le film s'appelle "La Leçon de Piano:)
Mais surtout, dès les premières notes, Tom nous gratifie…d’une réinterprétation d’une image du film (je viens de vérifier). Donc, il n’improvise pas sur la musique et pas ne compose pas forcément un dessin original. C’est étudié, préparé, sûrement répété.
Je ne le sais pas à ce moment-là, mais à chaque morceau qui passe, ça se confirme : il commence à composer son tableau dès les premières notes et surtout…. Il le termine pile à la fin de l’œuvre jouée !
Trop fort :D

Mais bon, personne n’a dit qu’il improvisait : je suis juste un peu déçu de le constater.
Suivent du Vaughn Williams. du Bartòk et du Rachmaninov (l’un sur un très bel appel à la paix dessiné avec une sensibilité proche de Chagall), trois compositeurs que j’aime beaucoup, et surtout une interprétation étonnante du sublime « Gabriel’s Oboe » (sans haut-bois, héhé…) tiré de « Mission » de Morricone. Le moment le plus faible de la soirée : « Les Aristochats » de Floyd Huddleston et Al Rinker (simplement crédité à "Disney" qui n'était pas musicien et déjà mort lors de la production du film; à ce moment, on crédite "Star Wars" à la Fox.). Ont suivis 2 tangos de Carlos Gardel (superbe dessin de clôture ! Je veux ! :D ) et finalement, un air traditionnel italien « Funicula Funiculi », mais là, j’étais complètement lessivé.

Dans le tram du retour, je me trouvais près de deux couples (+ ou – 25 ans) totalement enthousiastes face au spectacle auquel ils avaient assisté. Pendant 20 minutes, ils n’ont parlé que de ça. Ils avaient été super émus par le tout. Un des hommes avait plusieurs fois eu la larme à l’œil. Il y avait une fraîcheur dans leur élan qui me réjouissait.
Mon regard devait être prioritairement posé sur le visage d’une des femmes. Que dis-je, le visage ! Les yeux et l’ébauche de sa coiffure sur le front, rien de plus. Le reste était couvert par un maque et un bonnet, comme moi d’ailleurs.
A aucun moment je n’ai eu conscience de mon regard sûrement insistant.
A leur sortie, cet ange est passé tout près de moi, a plongé son regard dans le mien, et a chuchoté, juste pour moi, juste pour moi : « Au revoir ».
J’ai à peine pris acte de l’intensité de ce message. J’étais loin loin, en mode coma.
Mais une main dans mon esprit a saisi ce message et l’a fixé sur une paroi de ma conscience, avec une note : « Pour plus tard. »


Photo tirée d'un précédent spectacle de l'ensemble.