lundi 27 décembre 2021

LA FIN DES HARICOTS


Les dinosaures ont disparu à la suite de la chute d’une météorite de grosse taille, dit-on.
Tous ? Non, certains des plus petits ont survécu et ont donné naissance à une myriade de races d’oiseaux (parmi lesquels des géants : le Casoar, l’Autruche, etc…) et sûrement à quelques lézards.
C’est aussi, dit-on, grâce à cette météorite que les mammifères dont nous sommes issus ont prospéré.

Alors, si cet évènement a été si terrible, comment se fait-il que certaines espèces aient survécu ?
Les créatures marines ont dû persister par la simple protection aquatique, mais sur terre ?

J’ai imaginé une troupe de petits dinosaures ressentant les vibrations de l’explosion à l’autre bout du globe et l’onde de choc se rapprochant à une vitesse stupéfiante. Ils se seront réfugiés dans une grotte qu’ils avaient déjà visitée, et une fois à l’intérieur, la vibration ne faiblissant pas, ils se sont enfoncés plus profondément jusqu’à ce que, finalement, ils soient à l'abri.
La première partie de cette grotte a dû être saturée de poussières toxiques et sans doute d’air brûlant ou peut-être qu’une chute de rochers a partiellement obstrué l’entrée, créant une barrière naturelle contre l’extérieur devenu provisoirement invivable.

Dans cette grotte, les dinosaures auront survécu en buvant l’eau ruisselant de la roche et se nourrissant d’insectes et de vers et peut-être des uns des autres, jusqu’à ce qu’un jour, la grotte s'ouvre à nouveau, révélant un monde où la Vie a pu reprendre son cours.

Et donc, nous, l’Humanité, espèce supérieurement évoluée et intelligente, pourquoi ne survivrions nous pas dans l’avenir à un évènement similaire ?

Pour moi, la grosse référence en matière d’Apocalypse réaliste annoncée, c’est « On The Beach » (« L’Ultime Rivage »), roman (de Nevil Shute, 1957) et film (de Stanley Kramer, 1959).
La grosse erreur de ces deux œuvres (et tout repose dessus), est que l’intrigue imagine qu’une guerre nucléaire totale dans l’hémisphère nord va, à terme, mettre fin à toute vie sur Terre, le nuage radioactif se déplaçant inexorablement du nord au sud.

Or, si l’on se base à la fois sur les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, sur les 543 essais nucléaires atmosphériques pendant neuf ans (plus de 60 par an!), tous beaucoup plus dévastateurs que les deux précédentes explosions, et sur les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, une forte irradiation nucléaire d’une région ne se solde pas du tout par la mort de celle-ci.
Hiroshima et Nagasaki ont toutes les deux retrouvé une activité normale et prospéré après quelques années et Tchernobyl se visite aujourd’hui, même si la ville n’est plus habitée.

Dans « On The Beach », la population du sud de l’Australie (où se situe le récit) est avertie des mois à l’avance de l’arrivée du nuage radioactif (qui aurait dû se dissiper dès les premières pluies), et se résigne simplement à une mort prochaine.
Personnellement, dans ce laps de temps, j’aurais étanchéifié des bâtiments, construit des grands dômes transparents et mis tous les échantillons de vie possibles et des cultures pour assurer la survie d’au moins une partie de la population. Des tenues antiradiations auraient de même permis de récupérer à l’extérieur de la technologie et peut-être des vivres non irradiés, ainsi que de partir à la pêche et récolter des algues sous-marines, etc…

Ce programme très grossier s’applique très bien aussi aux récents films « Greenland » et « Don’t Look Up » où une météorite « tueuse de planètes » frappe la Terre.

D’ailleurs, par rapport à « Greenland », où les héros cherchent à rejoindre un abri  à l'autre bout du monde, pourquoi se focaliser sur un seul abri : tout abri antiatomique ou même abri profond peut faire l’affaire.
Nous avons par exemple à Genève tout un réseau d’abris souterrains construits avant la Seconde Guerre Mondiale.
Reste à savoir combien de temps la Terre resterait complètement invivable après l’impact d’une grosse comète. Là aussi, des pluies répétées devraient permettre de fixer les poussières au sol. Mais quid de la chaleur ou même du froid provoqué par les probables poussières masquant le sol au-dessus des nuages ?
Et on en revient à la quasi-extinction de toute vie à l’époque des dinosaures : la vie, à terme, a repris.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Essai_nucl%C3%A9aire


Image tirée de "Don't Look Up". 

mercredi 6 octobre 2021

 

JE ME STIMULE TOUTE LA JOURNÉE.


On pourrait croire que l’on s’ennuie mortellement pendant la retraite. C’est sûrement vrai pour certaines personnes, mais pas pour moi. Voici un exemple d’une journée-type.

Je me lève sans contrainte le matin, parfois à 7h30, d’autres fois après 9h (mais guère plus). En ce moment, c’est plutôt huit heures en semaine, car le toit de la maison que j’habite est en réfection et les travaux commencent entre 7h45 et 8h15.

Petit-déjeuner : 2 heures, y compris une 1ère séance sur internet, pour vérifier mes mails (assez rares), prendre connaissance des dernières nouvelles, y compris sur Facebook, Youtube  et IMDb.
Ensuite, une petite heure à écrire, à lire ou régler des factures, ranger, sélectionner des livres ou des CDs. J’essaie par exemple depuis 6-7 ans de réduire ma collection de CDs de plus de 3000 en 2014 à un objectif d’environ 700. J’en suis actuellement à environ 1500 qui me restent et la sélection est devenue plus facile depuis que j’ai Spotify que j’écoute maintenant nettement plus que mes CDs.
Pour les livres, même tendance : à cause de mon déménagement en 2019, j’avais déjà réduit ma collection de moitié et depuis, j’en ai quasiment ouvert aucun. Quelques dizaines tout au plus.
Kindle et les boîtes à livres ont pris le relais des achats physiques.
J’effectue aussi cette sélection graduelle car je soupçonne qu’un jour où l’autre, je vais devoir emménager dans un appartement plus petit, voir (gaspation !) dans un EMS.
Vers 11:30-midi, promenade de ma chienne, Kara, qui est très patiente.
Au retour, je me prépare à manger. A ce propos, je n’adhère pas aux habitudes apparemment prépondérantes de mes semblables qui consistent à

1° Réchauffer ou consommer des plats tout faits
2° Commander des plats par téléphone/internet ou acheter des plats à emporter (difficile depuis que j’habite à la campagne)
3° Aller au restaurant.

J’utilise cette dernière option à peu près une fois par mois, parfois deux, et uniquement en compagnie. Parfois, je vais aussi manger chez ma sœur, avec grosso modo la même fréquence.
Cela me procure le minimum d’exotisme culinaire, à savoir de manger une cuisine préparée par quelqu’un d’autre.
En plus, je me rends quasi uniquement dans des restaurants que je connais et apprécie, pour éviter des mauvaises surprises.
Mes adresses de références : le Café de la Radio à Carl Vogt, un petit chinois à la rue des Eaux-Vives et le Spaghetti Factory à la rue de la Fontaine.

Mais donc, dans mes plats préparés de mes douces mains, j’en ai répertorié une bonne quinzaine et ce dans un fichier Word. Ainsi, j’évite le manque d’inspiration, et aussi je consulte parfois cette liste avant d’aller faire mes courses matinales (j’y reviens ci-après).
Ainsi, je peux décider de me faire une salade mêlée, et vérifier s’il ne me manque pas des tomates, du concombre, etc…

Et justement, les courses !
Je les combine en général avec la promenade de fin de matinée de la chienne, 2 ou 3 fois par semaine : je me rends en bus à Florissant, fais le tour du Parc Bertrand (section pour chiens et hors section) et fais mes courses à la Coop et/ou à la Migros, toutes deux distantes de moins de 500 mètres.
Temps moyen de l’expédition : 1h30.

Fin du repas vers 14h30-15h, sieste d’environ 1h30, café et goûter devant internet ou un livre, à la belle saison dans le jardin (c’est divin !).

Nouvelle promenade avec la chienne vers 17-18h avec, j’ai oublié de le préciser, une pause lecture pendant la promenade.
En ce moment, ce sont les contes et romans de Voltaire : «Candide », « Zadig », « Micromégas » et plein d’autres…
A la maison, par contre, je lis la très intéressante biographie de Winnaretta Singer-Polignac, une importante mécène du début du XXe siècle.
Cette bio, je ne l’emporte pas avec moi, car elle est terriblement lourde et volumineuse : plus 800 pages et 1,5 kg !

Ensuite, dîner des bêtes (chienne et chatte) vers 18h30-19h, et une repas minimal devant internet, avec, en général un épisode de série ou une moitié de film.
Et vers 21h, la fatigue me gagne en général. Dernière promenade (20-30 mn) de la chienne et dodo.

Cela peut sembler une existence bien morne et banale, mais en fait, j’ai le cerveau stimulé presque en permanence !

Prenons par exemple les lectures de Voltaire et Singer-Polignac : chez le 1er, j’ai pris l’habitude de relever tous les noms propres inconnus et tous les termes un peu obscurs et vieillots. Je recherche ensuite les mots sur internet (généralement Wikipedia), ce qui me permet non seulement de me cultiver d’avantage, mais aussi de mieux comprendre le contexte des propos du philosophe.
Quant aux termes obscurs, je suis en train de me constituer un lexique de ceux-ci, dans le but potentiel de les réutiliser dans des créations personnelles.
Des exemples ?

Catéchol : Autre nom de la Catécholamine, composé de la famille des flavonoïdes de la sous-classe des flavanols.

(Je ne mets jamais la définition complète, en me disant que le jour où je voudrais utiliser le terme, je la vérifierai.)

Démiourgos : du grec formé de « démos », signifiant « gens du commun » (soit « peuple ») et de « ergon », « travail ». Littéralement, le mot signifiait artisan ou fabricant.
Voir aussi Démiurge : En Grèce antique, les démiurges étaient des travailleurs indépendants, juridiquement libres mais n'appartenant à aucune communauté. Ils avaient une compétence particulière et recherchée (notamment les artisans du métal) donc avaient un statut plus enviable à celui des banausos. (Wiki est un outil terrible, car chaque définition appelle à en consulte 2, 3 ou 4 autres !)

Gymnosophistes : philosophes de l'Égypte antique et indiens samnyâsin (renonçants), ainsi appelés par les Grecs parce qu'ils vivaient nus.

Dans le cas de la bio de Singer-Polignac, l’auteur cite à presque toutes les pages des personnalités qu’elle a rencontrées et souvent soutenues, et notamment des compositeurs.
Et là, même démarche, j’essaye de trouver des œuvres de ces artistes.
Dans les trouvailles les plus remarquables : Ethel Smyth dont l’auteur vante surtout « The Wreckers » uniquement trouvé sur CD, et assez cher (l’ouverture, impressionnante, est sur Spotify), mais aussi sa Messe en D Major, superbe.
Sinon, Armande de Polignac et Blanche Selva, c’est aussi très bien.

Mes séances internet sont souvent très enrichissantes : il y a quelques jours, la redécouverte du concept fascinant du « biais des survivants » dont j’avais entendu parler dans un documentaire sur la 2ème Guerre Mondiale (aussi sur internet).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_des_survivants

Et ce matin, nettement plus anecdotique mais jouissif, la découverte de Bella Poarch, une tiktokeuse de 23 ans (actuellement). Une vraie tête de dessins-animés.
https://www.youtube.com/watch?v=goGg_4ciWaA
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bella_Poarch

J’écoute beaucoup de musique, à différents moments de la journée. Des trucs que je connais déjà, ou que je connaissais déjà mais avais oublié : dernièrement Gilbert O’Sullivan, découvert en vidéo! :O
https://www.youtube.com/watch?v=4nivSNcGrqs

Stimulation quasi permanente donc !


                                                Un sticker trouvé sur une poubelle du quartier.

dimanche 12 septembre 2021



LA DOUCHE


Ce matin, vers 10 heures, je me frottai la tête avec une serviette de bain. Mais avais-je bien pris ma douche ? Je n’en avais aucun souvenir.
J’avais bien des petites traces d’humidité au bout des cheveux et sur d’autres parties du corps, mais je n’étais pas certain.
J’ai vérifié dans la salle de bain et il y flottait bien comme une atmosphère d’humidité en suspension. Toujours pas pleinement convaincu, j’ai avisé ma savonnette dans la douche, presque toute neuve.
J’ai passé le doigt dessus et elle y a laissé une fine trace de pâte semi-liquide bleuâtre.

J’avais bien pris ma douche. Mais toujours aucun souvenir.
J’ai mentalement évoqué l’eau froide caractéristique qui coule au début, le flot qui s’intensifie et m’asperge les pieds, la température qui augmente graduellement jusqu’à devenir trop élevée, je fais pivoter le robinet d’un demi-centimètre et la température baisse, puis réaugmente, et ainsi de suite.
Aucun souvenir.
Il me revient tout juste l’image de traces de savon bleu sur ma peau.

Par quoi mon esprit pouvait-il bien été monopolisé pour que j’aie ainsi éclipsé une phase essentielle de ma journée ?
Ca me revient.

La veille, j’avais imaginé que je croisais Hugh Jackman en visite à Genève avec sa femme. Je leur avais fait l’article sur les différents sites à voir absolument à Genève : la Villa Déodati à Cologny où Mary Shelley a entamé l’écriture de « Frankenstein », la statue de la Créature sur la Plaine de Plainpalais, l’extinction du Jet d’Eau vers 23 heures, le sous-sol de la Cathédrale, la Maison Tavel, etc…

Et là, ce matin, je lui ai demandé s’il savait quels cinq acteurs avaient été sélectionnés par internet pour incarner le prochain Wolverine ? Réponse : Hugh Jackman, Hugh Jackman, Hugh Jackman, Hugh Jackman, Hugh Jackman! 😊

Il a argué qu’il devenait trop vieux pour le rôle et que les spectateurs allaient se lasser de l’y voir.
J’ai rétorqué que le dernier film avait pourtant été le plus gros succès de la série et que ce succès dépendait essentiellement de la qualité du scénario, de la mise-en-scène, etc… plutôt que de budget d’ailleurs, car ce dernier film, justement, comportait assez peu de scènes grandioses, donc chères.
Pour la question de l’âge, une partie du budget pourrait être consacrée à le rajeunir digitalement, à coller son visage sur le corps de quelqu’un d’autre, à avoir plus recours à des cascadeurs ou des doublures digitales, etc…
Et puis si, avec un budget de 150 Millions dollars par exemple (prix minimum standard pour ce genre de productions), le film ne rapportait « que » 400 Millions dans le monde, les producteurs pourraient toujours se consoler avec les revenus des précédents opus combinés. (NB : on prétend que pour qu’un film soit rentable, il doit au minimum rapporter entre 3 et 4 fois son budget dans le monde lors de son exploitation en salles. Avec le streaming qui remplace depuis quelques années les diffusions TV, la donne a sûrement changé, mais allez savoir comment exactement ? Quant aux revenus DVD/Bluray, j’imagine qu’ils ont beaucoup baissé depuis 10 ans.

Pour info, les budgets des 3 films de Wolverine, sortis sur une période de 8 ans, étaient respectivement et chronologiquement de 150, 120 et 97 millions de dollars. Tiens, tiens : le dernier était bien le moins cher et de beaucoup. Leurs recettes mondiales, elles, ont été inversement proportionnelles : 373, 414 et 619 millions ! Selon le principe décrit plus haut, seul le 3ème a été vraiment rentable, mais très largement !
Bilan final : la trilogie aurait été tout juste rentable pour la Fox, ou bénéficiaires de quelques millions.

La récente saga de « Planet of the Apes », qui comptait seulement 3 films (contre 5 pour celle des 70’s) a rapporté cette somme magique de 4 fois le budget combiné de l’ensemble, mais de manière dégressive : le premier avait été un triomphe (170 millions de budget pour plus de 710 Millions de recettes mondiales estimées) alors que les 2 suivants avaient été des déceptions. 260 millions de budget combiné pour plus de 980 Millions de recettes mondiales estimées.
Les producteurs auraient donc pu sortir encore un film avec un budget de 50 à 100 Millions et espérer totaliser 3 à 400 millions dans le monde… ou plus avec un excellent scénario, un bon casting, etc… Sans doute n’avaient-il justement pas ce scénario magique.
Ou la Fox a simplement renoncé à continuer à faire du cinéma…

Et j’ai ainsi oublié que je me suis douché.




Dans le rôle de Wolverine, je vote pour Logan Marshall-Green. En plus, il s'appelle déjà Logan! :)

jeudi 18 février 2021

 ARNAUD bis


Jusque dans les années 70, Arnaud a travaillé dans une compagnie d’assurance à la demande de son père. A la mort de celui-ci, il s’est empressé de démissionner et a ouvert un magasin d’artisanat dans une petite rue pas très passante de Paris, et ça n’a pas marché.

A mon avis, il ne recherchait pas le succès commercial, mais plutôt un endroit où se cacher tout en pouvant justifier d’une activité professionnelle.

A la mort de sa mère en 1990, il a liquidé son commerce et s’est exilé au Pays Basque, où il s’est fait construire une maison à sa mesure : 2 chambres à coucher, un petit jardin, dans une zone plutôt sauvage, distante des commerces et de la Ville.
Je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle : je me suis inscrit à l’Université, en Lettres, à la demande de mon père mais y ai trouvé peu de satisfactions ou de stimulations. L’Université suisse n’avait vraiment rien en commun avec l’image qu’on recevait alors du cinéma américain, ma référence majeure à l'époque. Pas de réel campus, aucun sens de la communauté, et des cours globalement ennuyeux. Ensuite, les débouchés qui s’offraient à moi étaient bibliothécaire, prof ou… journaliste.
A la mort de mon père, j’ai assez rapidement quitté la fac et ouvert mon propre magasin qui n’a pas été très rentable sur la durée, malgré un pic important dans les années 90.

(Voir plus de détail dans montre blog : « La Saga du Paradoxe Perdu ». Article du 25 juillet (?) "3 Sites, 1 magasin".
https://lasagaduparadoxeperdu.blogspot.com/2018/07/normal-0-21-false-false-false-fr-ch-x_25.html?view=classic )


Avec le deuxième déménagement dans le quartier des Bains, mon objectif ultime était, je l’avoue, de viser un mode de commerce plus restreint, plus confidentiel. J’imaginais pouvoir le tenir seul ou avec une aide à temps partiel en n'exploitant que les produits qui m’intéressaient toujours. Mais quand j’ai fait les calculs, ce n’était pas envisageable.
J’aurais eu alors un mal fou à en retirer un salaire minimum :  j’y aurais laissé la chemise.

De plus, j’avais déjà acheté une petite maison dans la Drôme, dans un petit village très peu habité, distant des commerces et de la ville, idéale pour… m'y cacher.


mercredi 17 février 2021

 

HOMO ET EXHIBO


Un de mes oncles, Arnaud, a mis à disposition du reste de la famille la résidence dont il avait lui-même hérité de ses parents, à St Jean-de-Luz, au Pays Basque français.

Moi, je trouvais qu’en jouir allait de soi, dans la mesure où lui-même en avait bénéficié depuis toujours et ne faisait que perpétuer la tradition du partage familial.

L'accès à la propriété en 2014, 10 ans après la vente.

Pour le reste, il n’était franchement pas très sympa. En même temps que le principe de l’accueil à bien plaire, il a aussi perpétué une attitude tyrannique envers tous ses visiteurs, attitude vraisemblablement transmise par ses propres parents. Logique.

Il avait une peur obsessionnelle des cambrioleurs et, après le dîner, il nous décourageait activement de discuter sur la vaste terrasse. Il finissait par mettre le poing sur la table, nous faisaient rentrer comme de la volaille indisciplinée, et fermait les volets.
D’ailleurs TOUS les volets de la maison étaient soigneusement baissés ou fermés tous les soirs. La maison devenait alors un bunker jusqu’au réveil.

Nous étions tenus d’assister à tous les repas. Alors, bien sûr, nous pouvions demander une dérogation, mais il fallait alors avertir au moins 2 ou 3 jours à l’avance. Et ça ne l’empêchait pas de faire des remarques désobligeantes sur les absents :

« Mais qu’est-ce qu’ils vont foutre au restaurant ! C’est pas assez bon, ici ? » Ou « Celui-là ne va pas me manquer. » Etc…

Le mari d’une cousine, presque aussi ombrageux qu’Arnaud, n'a plus remis les pieds dans la maison après sa première visite.
Il est bien revenu quelques fois à St Jean-de-Luz, mais il s’installait dans une annexe appartenant à une des sœurs d’Arnaud.

Mon père n’y a d’ailleurs jamais séjourné plus que nécessaire, 2-3 jours au plus et seulement à l’époque où mes sœurs et moi étions enfants. Après il n’est plus venu du tout. Et c’était sous le régime des grands-parents déjà, qui ne l'appréciaient guère.

Je précise ici que ce comportement "tyrannique" était de famille. La soeur mentionnée plus haut m'a un jour interdit de visite dans sa maison, quand j'étais encore enfant. Et cette interdiction est restée effective pendant plus d'une décennie.

Arnaud faisait des histoires quand on invitait des amis, même si en fait, il accédait toujours à nos demandes, pour ensuite mieux protester : « Heureusement qu’ils sont partis. »

En 2000, j’ai moi-même invité une compagne du moment, Prunelle* (prénom fictif) et j’ai su par ma mère qu’Arnaud avait déjà protesté avant notre arrivée. Je dois préciser que j'avais alors fait la demande à ma mère et non à mon Oncle directement.
Prunelle a fait faux bond pour le premier déjeuner tellement le trajet l’avait fatiguée. Qu’est-ce que j’ai pris ! J’ai eu beau expliquer à Arnaud qu’elle avait besoin de beaucoup de sommeil, que ce n’était pas contre lui : rien ne l’a apaisé.
Elle a assisté au dîner suivant, puis elle m’a demandé d’être dispensée des repas pour le reste du séjour. Je la comprenais, mais j’ai dû lui imposer les 48 heures de préavis. Elle a subi stoïquement. Pour la suite, nous avons toujours mangé dehors ou parfois dans la chambre, sauf le dernier jour, tradition indérogeable.

Les petits déjeuners, c’était impérativement avant 9 heures. Il fallait avoir libéré la cuisine et la salle à manger avant. Pour moi, j’étais réglé, ça ne me posait aucun problème. Mais d’autres invités, y compris de la famille, n’appréciaient guère. Quand on sort jusqu’à 2-3 heures du matin, le lever quasi-obligatoire à 8 heures, c’est difficile à accepter. En vacances, en plus !



Les Fêtes de Bayonne, occasion de beuveries 24h/24. A faire une fois dans sa vie. Jeune de préférence.

Prunelle et moi, on se couchait à des heures chrétiennes, mais…. 8h30, ça le faisait pas du tout-du-tout-du-tout pour elle.
Je lui préparais donc le plateau le plus complet possible avant 9 heures, et je faisais bouillir l’eau du thé en catimini, au dernier moment, vers 11 heures.
J’oubliais : si mon oncle nous surprenait à faire bouillir plus d’eau que nécessaire, nous avions droit à un reproche insistant, genre « C’est pas vous qui recevez la note ! ».


Pendant notre séjour à Prunelle et moi , prévu sur 10 jours, nous avons accumulé tellement de blâmes que finalement, nous avons écourté. Prunelle déprimait, et j’étais moi-même très perturbé par son inconfort manifeste et mon incapacité à lui offrir des vacances sereines.

Les dernières années, nous avons été plusieurs à remarquer que la maison avait besoin d’une importante rénovation : la peinture s’écaillait dans toutes les pièces, des éléments décoratifs tombaient et n’étaient pas remplacés, les balcons devenaient dangereux, certains ont été définitivement condamnés, la plomberie et l'électricité étaient vétustes.

Parmi les incidents plus sympathiques : un matin je déjeunais très tôt dans la cuisine. J’écoutais mon compositeur favori à un volume modéré. Mon oncle apparait, pas de bonjour ni rien, il passe devant le lecteur CD, ramasse le boîtier, et lâche hautainement :

« Korngold, quel ennui. »

Des années plus tard, après son décès en 2004, j’ai découvert une grande quantité de CDs dans ses affaires, plein de compositeurs et de titres que j’aimais beaucoup ; je découvrais un peu triste que nous avions en fait des goûts communs.
Et dans ces CDs, il en avait un de Zemlinsky, le tuteur de Korngold.
J’en ai aussi trouvé un, mais juste un, de Korngold, l’Opéra « Die Tote Stadt ». « Quel ennui ! » Non, Arnaud, non.

Dans les années 80, une autre amie, Anita, n’avait, elle, eu aucune peine à s'adapter, appréciant sans doute cette rigueur imposée et ce cadre de vie inhabituel. Elle est revenue plusieurs fois.
Tous les matins, nous étions réveillés par l’Oncle qui pestait sous notre fenêtre contre sa chienne Houfa, qui aboyait.
C’était les « Houfa, honestly ! » répétés et tonitruants qui nous réveillaient plus que le chien.

35 ans plus tard, ça nous fait toujours rire, et nous rappelle combien nos séjours dans cette maison étaient finalement heureux et insouciants. La plage était à 5 minutes à pied, la Ville à 10 mn, l’Arrière-Pays avait un charme fou, l’Espagne était toute proche, Bilbao et son Musée en titane à une heure, Bayonne et son Musée Helleu à 30 mn. On peut y découvrir une collection exceptionnelle de Vinci, Raphaël, Dürer, Ingres ….
Pas de courses ni de ménage à faire, des grandes chambres confortables, des bains interminables dans des baignoires à l’ancienne, bien plus vastes et profondes que les nouveau modèles, et une cuisine de grande qualité avec des plats absolument magiques : tout ou presque était fait maison par une cuisinière locale. Les glaces ,oui même les glaces !, les gâteaux basques à l’abricot ou à la pêche, les biscuits secs, les pipérades, les poulets basquaises, les blanquettes de veau (« Elle est bonne ? » Elle était bonne.), les profiteroles, les soufflés au fromage en plat, ou à l’orange en dessert, des poissons frais du port, pêchés localement…
Un plat démoniaque de simplicité était la couronne de riz avec œufs au plat et bananes rôties. Je me le suis refait dernièrement : quel délice !

Ma version de la couronne de riz, avec tomates frites. L'esthétique n'est pas mon fort.

Mention aussi pour la chance de pouvoir retrouver des parents plus ou moins proches une fois par an, et des amis de la famille. Certains sont devenus des résidents multirécidivistes. J’ai connu dans cette maison mon premier coup de foudre. Elle aura droit à son propre texte, un jour, Lady B.

Sous le régime d’Arnaud, les repas sont devenus plus frugaux, plus simples que sous celui des grands parents. Traditionnellement des salades ou des buffets froids à midi et un repas plus important le soir. Il avait réduit le temps de présence de la cuisinière. Les soles meunières d’antan ont fait place à des plies ou du cabillaud. Le dimanche soir, c’était souvent pizza industrielle.
Des plaintes ont souvent été formulées derrière son dos quant à la qualité exécrable des vins. Je ne sais pas, je n’en buvais pas. Et quand un invité amenait ses propres bouteilles… le scandale garanti !
Et des plaintes redoublées quand il fallait ensuite retourner aux bouteilles domestiques.

Il nous a souvent reproché des factures téléphoniques qui, à sa décharge, devaient être salées. Pour ma part, j’utilisais quotidiennement le téléphone fixe pour appeler mon magasin et des amis, environ 10-15 heures par séjour de 10 jours. Et d'autres membres de la famille faisaient pareil. On a proposé de rembourser ces frais, mais, pour lui, c’était une question de principe, de respect. Et donc un refus crispé.

A partir des années 90, il a introduit une nouvelle règle tyrannique : nous n’étions plus autorisés, sous aucun prétexte, à monter sur le toit en terrasse.
Bien sûr, certains d’entre nous, et donc moi, le faisions quand même, en grand secret.
Un jour, je l’y ai surpris bronzant en zérokini ! Il n'a pas apprécié.

Par la suite, j’ai moi-même joui de multiples séances sur ce toit, joui car elles étaient expressément exhibitionnistes et onanistes.
Avez-vous seulement idée du plaisir à s’exposer en plein soleil, avec un point de vue imprenable sur la nature et les villas environnantes, et de satisfaire un Popol plein de fierté et très démonstratif dans son plaisir ?
Une fois, j’ai abusé d'une femme en maillot de bain sur son balcon voisin. C’était bon. Elle n’est jamais venue se plaindre.
Dans les années qui ont suivi, je me réjouissais des semaines à l’avance de mes visites sur ce toit.
A la longue, cette obsession a passé. Tout passe, tout lasse. « Been there, done that. »

Dans mes années adolescentes, j’ai pu partager déjà ce plaisir exhibitionniste avec deux amis sur une plage des Landes.
Pendant qu’ils se baignaient, je me suis couvert de crème solaire, bien partout, avec le résultat que je vous laisse imaginer.
Au retour des amis, je me suis précipitamment retourné face contre sable. Et là, Popol se réveille à nouveau et commence à creuser un terrier. Je grimace, me tortille, mais c’est chaud, les grains de sable. Et par frottement, ils ne font qu’exacerber mon plaisir.
J’ai ensemencé Gaïa !


Ilbaritz a une section nudiste. Qu'on se le dise!

Une des tristes choses que j’ai apprises post-mortem sur mon Oncle, c’est qu’il avait eu une existence passablement malheureuse et solitaire.
Il avait grandi homosexuel à une époque où ça ne se faisait pas du-tout-du-tout de manière assumée.
Il ne l’a jamais avoué, ou seulement tardivement à certains proches. Depuis les années 60, nous ne lui avons jamais connu d’amants. Certains pensent même qu’il a cessé d’en avoir depuis cette décennie-là au moins.
Ses parents n’ont jamais su ou lui ont fait payer le fait qu’il savait.

D’où son irritabilité presque constante envers son entourage. Nous étions tous des ennemis potentiels dans SA maison, susceptibles de révéler sa tare au Monde.

Vous imaginez vivre avec un tel secret pendant plus de 60 ans, et ce malgré la révolution sexuelle et les mouvements gays des années 70-80 ?

C’est inconcevable.

Et en plus, un neveu, moi-même, casse du sucre sur lui des années après sa disparition, ce neveu qui a largement bénéficié de cet Oncle de son vivant et encore plus après son décès. Car, qui dit homosexuel dit pas d’héritiers directs donc pécule conséquent pour ses neveux et nièces.

Depuis son décès, je profite à la fois de sa frugalité passée et de sa générosité posthume.
Grâce à lui, j’ai pu envisager sereinement une retraite anticipée.
Et j’ai le temps d'écrire et de peindre tant que ça me chante dans un paisible cadre champêtre.

Arnaud, merci.
Regrets sincères.


https://www.youtube.com/watch?v=Po9aewTdMvc

https://webmuseo.com/ws/musee-bonnat-helleu/app/report/index.html