jeudi 23 avril 2020

A L’Heure du Virus.

Deux dames discutent sur un banc.

Un monsieur s' approche :

 « Ah, mesdames, je me permets de vous remercier du fond du cœur.

La plus âgée:

 « Et pourquoi ? »

- Vous êtes là, sur un banc public, serrée l’une contre l’autre, le masque de protection sous le menton, à vous en griller une : c’est parfait.

- Ca vous dérange peut-être ?

- Au contraire. En ces temps de virus, on est tous susceptibles d’être contaminés. Certains y passeront, d’autre pas et… vous vous sacrifiez pour la cause.

La plus jeune, avec une coloration capillaire qui n’est pas vraiment de saison :

- Mais pas du tout, on fait attention.

L’autre, presque platine :

- Je vous fait remarquer que nous sommes voisines et amies de longue date.

- Et donc vous n’êtes pas porteuse du virus.

- Ah ben non. Enfin je ne pense pas. (A son amie ) Tu es porteuse ?

L’autre fait la moue en haussant les épaules. Le monsieur poursuit:

 - Vous n’avez évidemment pas fait de courses ses dernières semaines, n’avez pas reçu de visites, parlé à un livreur ou à un facteur d’un peu trop près.
Et comme vous êtes toutes deux dans une tranche d’âge à risque…

La chromée : « Ah mais je ne vous permets pas. »

- Ne vous vexez pas, j’ai moi-même passé 60 ans. Je suis donc également dans la tranche à risque.
Mais, bon, je ne fume pas.

- Quel rapport ?

- Comme le virus s’attaque en priorité aux personnes âgées et fragilisées…

- Fragilisées ?

- Oui, la plupart des victimes ont dans les derniers stades de leur calvaire des insuffisances respiratoires. Donc, en fumant, vous vous placez en 1ère ligne des victimes condamnées à y passer. Gâce à vous, je suis plutôt en 2ème ligne, voire en 3ème.

Toutes deux les yeux écarquillés :

 - En 3ème ?

Oui, vu que le virus résiste plus longtemps sur le métal, et que des dizaines de personnes se sont assises sur ce banc dans les dernières heures, vous êtes pour ainsi dire déjà mortes.
Vous avez pris vos dispositions ?

- Vous êtes un monstre.

- Par les temps qui courent, Ce serait déplacé de se faire des politesses. Il faut être pragmatique. La planète est surpeuplée. Si le virus peut contribuer à faire disparaitre les vieux et les cons, c’est tout bénéfice pour les autres.
Je suis moi-même prêt à me sacrifier comme vous pour la cause.
Mais si je peux l’éviter, je préfère.



Une femme allume une cigarette, à New-York (Etats-Unis), le 9 avril 2020. (CINDY ORD / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)