mercredi 31 juillet 2024

 

La curiosité n’est pas un défaut.


« Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance mais le refus de savoir. » Simone de Beauvoir.

Je l'ai souvent constaté, et encore tout récemment.

J'ai mentionné à un ami retraité un livre que j'avais lu. Il m'a très vite coupé: "Moi, je ne lis jamais." Donc non seulement il refuse de s'instruire en lisant, mais il ne voulait pas savoir ce que j'avais appris.

Ailleurs, une amie à qui je conviais avoir une fois assisté à un concert dont le programme était :

«  « Psycho » de Bernard Herrmann ((musique de film)) suivi de la 5ème Symphonie de Gustav Mahler »

m’a tout-de-suite interrompu : « Mais… pourquoi ? » (..de la musique classique et de film ensembles ?).

J’ai direct pu lui balancer deux arguments que je trouvais excellents :

1° La Musique de Films est parfois d’une qualité équivalente des meilleurs œuvres de Musique Classique si respectables soient-elles, et
2° dans le cas de la « 5ème » de Mahler, celle-ci a été parait-il largement été redécouverte grâce à un film (et son compositeur avec) : « Mort à Venise » de Visconti. Donc, pendant plus des deux heures que dure le film, cette musique était devenue, dans l’esprit des spectateurs, une musique de film.

Dans l’enthousiasme du moment, j’ai proposé à cette amie de lui prêter le CD de « Psycho » et deux autres : « Koyanisqaatsi » de Phillip Glass, et « Fahrenheit 451 » de B. Herrmann.

Deux semaines plus tard, je les lui ai repris : elle n’en avait écouté aucun, malgré qui j’y ai refait allusion une fois entretemps.

Elle ne comprenait pas non plus pourquoi je trouvais intéressant d’écouter TOUTES les œuvres d’un compositeur, comme ça a été le cas pour Herrmann.

« Il suffit d’écouter ce qu’on n’a envie d’écouter. »

Là, j’ai contré que ça pouvait être enrichissant de replacer une œuvre dans un contexte d’évolution créative, et dans le cas de Herrmann, sa première musique pour « Citizen Kane » (1942) est stylistiquement très différente de sa dernière pour « Taxi Driver » (1975). Les deux époques sont déjà très différentes, leur contexte narratif aussi. Et Herrmann (spécialement dans les dernières années) ne compose plus pareil, et ne « sonne » plus pareil qu’à ses débuts.

Il y a des années, je mangeais souvent avec un client un peu plus âgé que moi et qui semblait avoir des goûts culinaires assez étroits. Il n’avait par exemple jamais mangé chinois !
Une autre fois, je lui propose d’aller manger un fallafel : il n’avait aucune idée de ce que c’était.
Ça parait particulièrement inexcusable car, quoi, le fallafel, ça sent déjà très fort depuis la rue, et c’est assez irrésistible pour la plupart des individus.
Au moment de commencer (sur assiette) il prend connaissance de la sauce blanche et de la sauce rouge chacune dans leur récipient et, sans me consulter, verse TOUTE la sauce rouge sur son fallafel.
Comme, personnellement, je la trouve trop épicée, je ne m‘offusque pas, et me rabats sur la blanche.
A la première bouchée, il s’étrangle ! :D
Il a dû penser que c’était du ketchup.
La curiosité mal dosée, ça existe aussi.

Je suis convaincu que nous avons à peu près tous le même cerveau, mais j’ai déjà pu constater que c’était inexact. Par exemple, malgré toute la curiosité dont je crois être capable, il y a des domaines qui me résistent. Les maths, la physique et l’informatique déjà. Parfois la philosophie, dans un genre plus littéraire. Aristote, Nietzsche et Montaigne, je n’y arrive pas.
J’ai beau lire un texte de vulgarisation physique, très vite, je décroche. Et même si je reprends patiemment, même mot-à-mot, la lecture, il y a toujours un point où je cale.

On est certainement pénalisé lorsqu’on travaille de longues heures en effectuant un travail abrutissant.
Peut-être aussi lorsqu’on acquiert des habitudes toxiques : fumer, boire, manger gras et se vautrer devant n’importe quel programme TV.

Je sais que j’ai d’autres exemples de manque de curiosité qui pour moi, est un indice de bêtise. J’y reviendrais.

Soyez curieux.


"Mort à Venise" de Luchino Visconti. 1971